Poème de Michel P.
Les autres et les autres
Faisons le rêve fou de s’échapper de soi
bien sûr trainer une histoire est chose pesante
marchons loin dans les banlieues soyons amnésiques
faisons ce rêve fou hors la loi hors de moi
d’aimer en l’étrange étranger sa voix stridente
et que les vents de l’extérieur nous soient musique
brisons les miroirs ils corrompent les humains
et aussi de l’homme renoncez dans ses yeux
à vous retrouver sa lumière est sans reflet
faisons ce rêve fou de casser dès demain
l’autoportrait ce genre au dessein vaniteux
et que de nos visages nous soyons soustraits
déposez le avant de sortir dans la rue
votre visage trompeur où le dur bandit
se cache sous les traits de l’ange et l’homme bon
derrière un masque de laideur qui nous englue
prisonnier de nous-mêmes par la comédie
des signes qui nous distinguent faisons faux bond
à nous-mêmes dont autrui toujours est exclus
connaissez-vous le réel chagrin des insectes
ou bien la mécanique sensible des plantes
et aussi la fraternité inattendue
des gens dans leur détresse quand tout est abjecte
et puis aussi l’arrivée d’une ombre glissante
sur le dos tiède des lézards qui sont perdus ?
faisons donc ce rêve fou de partir sans tête
sans livre sans maison sur un chemin sans but
il serait dru l’appel cristallin de l’ignoré
bruits des villes qu’on renifle comme une bête
si fatiguée avec ses sociétés en rut
faudrait là sauver les rêves des fous tarés
les déposséder même de leur possession
ouvrons nos oreilles pour comprendre leurs cris
de leurs mots étouffés faisons un manuscrit
utilisons un mot usé nommé amour
au bout de nos deux bras sont nos deux mains toujours
maintenez-les pour embrasser avec raison
faisons ce rêve sage à présent d’être soi
au milieu des trains des avions et des usines
dans les déserts déshérités les bidonvilles
les campings et les territoires de non droit
occupés les zones sinistrées qu’on devine
les côtes inondées sans protection civile
faisons un rêve de soi mais plein de souffrants
qui de nos rêves guettent le réveil un soir
pour que dans leur ghetto pourrissant moi ou vous
soyons les sauveteurs de leur enfer errant
une fois finis nos jeux superfétatoires
où le moi sans arrêt grave nous prend le chou
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