Poème de Niyonizigiye Célestin
Au musée de nos coeurs
Suis-moi. Allons voir incarnés nos vifs désirs.
Regarde étalées nos douleurs, sens nos plaisirs !
Ici,
Le cœur souple, dérivé d’un compatissant.
Le cœur docile, cœur tendre prêt à servir.
Le cœur oblatif, le reflet d’un repentant.
Le cœur mou, toujours doux qui ne peut pas sévir.
Et là,
Le cœur parfumé de joie, cœur sacré, cœur humble,
Le cœur-archive, maître des temps forts et simples.
Le cœur ouvert, dégourdi qui sort de la cage.
Le cœur pénétrant, dilué, l’indice d’un sage.
Les cœurs qui ont fait défaut à ce monde atroce.
En bas,
Le cœur maussade, trésor des vindicatifs.
Le cœur crispant, vermoulu, richesse morose.
Le cœur sans charme, rugueux que le pire arrose.
Le cœur virulent, le propre des agressifs.
Dans la cruche,
Le cœur grincheux qui rumine crûment la haine.
Le cœur épineux, hargneux, saturé de peines.
Le cœur venimeux d’un rancunier orageux.
Le cœur poilu d’un sorcier aux coins ombrageux.
Voilà la fortune du quartier des féroces.
Dans la couveuse,
Le cœur intimidé d’enfant traumatisé.
Le cœur imbibé d’horreur, cœur hypnotisé.
Le cœur qui frissonne d’effroi, cœur aveuglé.
Cœur, frustré fixé sur des supports ébranlés.
Dans le vase,
Cœur bavant, preuve de l’esprit commotionné
Qui commande un robot humain conditionné.
Tel est le cœur angoissé, délirant, stressé
Par un futur douteux, et le passé blessé.
C’est l’état que ce loup armé veut de nos gosses.
En marge,
Le cœur chaotique, le moteur des anarchistes.
Le cœur tyran des dictateurs impérialistes,
Sources des calamités, hommes pyromanes
Animés d’esprit mythomane- kleptomane.
A la poubelle,
Le cœur rapace des ventriotes sanguinaires
Le cœur aliéné, conseiller des sans pitiés.
Le cœur en acier des carriers génocidaires,
Patrimoine dont je ne suis pas héritier.
Maudites passions que j’enterre dans la fosse.
Au sommet, couronnés,
Le cœur anticipatif des héros tenaces.
Le cœur stable malgré la pression de la masse,
Cœur blindé, à l’abri des assauts téméraires,
Le cœur qui n’envie guère la paix éphémère.
Au fond, en privé,
Le cœur si précieux de nos rares opiniâtres
Qui ne débitent pas de propos acariâtres,
Cœur de nos monuments, martyrs persévérants.
Cœurs des illustres pacifistes endurants.
Vertus de nos sages dont les prouesses rehaussent.
Sous la table,
Il est aussi de ces cœurs où tout est mêlé,
Cœurs des dégoûtés pour qui, tout est inodore.
Les cœurs des dépassés dont la vie est gelée.
Les cœurs passe-partout de teint multicolore.
Dans l’aquarium,
Cœur – siège des sentiments, abri de la peur
Celui de l’industrie humaine, amie des fleurs ;
Un cœur malléable façonné en pure argile,
Cœur vulnérable en vitre pour l’esprit fragile.
Quel monde hors du commun ! qui sans répit bosse !
jocelestin2001@yahoo.com
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