Résumé du livre
Ils traversent
notre vie le temps d’une rencontre fortuite, l’espace d’un sourire ou
d’une poignée de main. Pourquoi s’intéresse-t-on à elle ? À lui plus
qu’à tout autre ? Mystère. Parfois l’un d’eux s’arrête pour un échange
véritable, et l’amitié fait le reste. J’ai toujours été attiré par les
créateurs, musiciens, artistes, écrivains et poètes; par ceux qui voient
l’indescriptible. Qui pressentent qu’il y a plus grand, plus sublime,
plus absolu que nous. Ils se sont toujours trouvés sur ma route… ou
n’est-ce pas plutôt moi qui me retrouvais sans cesse sur la leur ?
Le premier artiste, en chair et en os, que j’ai connu était artiste
peintre et musicien. Notre relation fut brève et me marqua à jamais. Sa
façon d’être, si différente de celle des hommes que je rencontrais à
l’époque de mes jeunes années, m’a tout d’abord désorientée, puis
charmée. Nous parlions de livres ― Balzac, Camus, Hemingway, Sartre,
Tolstoï; d’art pictural — Picasso, Dali; et de musique ― chansonniers,
auteurs-compositeurs-interprètes que nous écoutions jusqu’à l’ivresse…
Il écrivit même une chanson pour moi. Nous mélangions tout, impatients
de dévorer ce qui se devait de l’être pour « être dans le vent ». Nous
étions jeunes. La vie s’offrait à nous et s’annonçait exaltante, prête à
remplir ses promesses et les nôtres, qui étaient insatiables.
Nous marchions côte à côte en allant chacun à son travail ou, dans mon
cas, à mes études, discutant de nos passions communes; et, au tournant
de l’un de nos longs silences, il ne fut plus là ! C’était sa façon à
lui de se séparer momentanément des gens… Point d’au revoir banal à
mourir. Merveille des merveilles ! Je découvrais enfin quelqu’un qui
savait « faire autrement ». L’effet de surprise évanoui, je fus envahie
d’une allégresse folle. Ainsi des êtres imperméables aux formules toutes
faites et aux conventions existaient ! Ils inventaient… que dis-je, ils
se créaient sur mesure une existence hors de l’ordinaire ! Souverains,
ils allaient au gré de leurs fantaisies, de l’inspiration, de leurs
états d’âme et de leurs impulsions. De véritables créateurs.
Et, comble du bonheur, cet ami détestait lui aussi les adieux sur le
quai d’une gare. Quand vint le temps de se quitter pour de bon, fidèles
à nous-mêmes, nous nous sommes doucement éloignés l’un de l’autre à
jamais. Sans un mot, sans un regard, nous avons cessé d’exister l’un
pour l’autre… mais j’avais attrapé le plus contagieux des virus : celui
de l’amour de l’art et de la littérature ! Cet amour allait résister à
TOUT. Pour la vie, j’étais prise et éprise de la beauté et de
l’indicible. J’étais devenue une passeuse de rêves.
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