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    La dernière souffrance

Chapitre 1

Sous-chapitre A

L’objet de notre rencontre

Notre environnement actuel nous conditionne à vivre dans la peur en suivant une route déjà tracée, soit celle qui consiste à fuir quelque chose d’inconfortable vers une fin sécurisante ou plaisante. Pouvons-nous voir ce fait directement ? Ces résultats sont nos possessions, nos pouvoirs, nos distractions, nos connaissances, nos nations, nos classes sociales et nos croyances. Ainsi nous en voulons d’avantages afin de fuir cette vérité si évidente et devenir une image illusoire de ce que nous croyons être au lieu de nous voir tels que nous sommes à chaque instant. Nous cherchons à accumuler de plus en plus, car sans nos possessions nous pensons être vides. Est-ce possible que nous ne voyons pas les simples faits tels qu’ils sont, mais que nous inventions des idées ou images complexes pour ne pas voir ces faits ?

Si ce livre vous apportait une solution à votre objet de désir pour fuir la souffrance, le vide ou la confusion, alors vous seriez encore prisonnier de ce mouvement qui a pour but de vous débarrasser de votre inconfort sans pour autant vous en libérer. Pour nous, il n’y a qu’un fait qui compte, qu’une vérité, ce fait est que nous souffrons, que l’être humain souffre. Ce n’est pas en cherchant ou désirant son opposé au moyen de nos esprits tordus et confus que nous pourrions être heureux. Le bonheur n’est pas une fin illusoire, non plus un passé qui n’existe plus. Il n’est pas du domaine de l’esprit, du temps, il entre en existence lorsque tout notre processus de penser est compris par le penseur lui-même et non selon des sources extérieures y compris l’auteur de ce livre. Ainsi toute autorité ne peut pas nous enseigner à se comprendre, à se voir dans l’actualité de ce qui est maintenant à chaque instant. Pour s’observer dans nos relations, nous n’avons pas besoin de personne, il suffit de regarder directement les faits présents et non les illusions de ce qui a été ou ce qui devrait être. Alors toute souffrance, douleur, inconfort se dissipe sans effort et sans discipline lorsque nous regardons sans intermédiaire ou autorité.

Nous croyons qu’un problème doit être résolu au moyen de la pensée et de l’action engendrée par cette même pensée. Ce mouvement s’exprimant d’un passé connu vers un futur, qui n’est rien d’autre que le même passé modifié en apparence. Ainsi nous croyons qu’en accumulant des connaissances ou de la mémoire va ainsi nous permettre de résoudre les problèmes. Il est essentiel pour apprendre une chose technique, une langue, un travail, etc., que nous accumulions des connaissances, mais est-ce le même processus concernant notre bien-être ? Nous utilisons le temps comme intervalle pour apprendre, mais ce temps est-il nécessaire pour notre bien-être ?

Je ne sais pas si nous allons nous rencontrer au travers ce livre, car ce n’est pas un but, un rêve ou un objectif commun qui relie les gens, mais le problème, le fait commun. Chercher une solution à la souffrance ne permet pas d’en être libéré, car ceci s’appuie sur des hypothèses et des idées illusoires d’un futur que nous cherchons à inventer en fuyant le présent. Fuir est l’activité préférée d’un esprit craintif et elle revêt plusieurs visages comme le jugement, la justification, les solutions, la comparaison, l’analyse, la respectabilité, l’égoïsme, le conformisme, la sécurité, la négation et la contradiction. Toutes ces activités sont celles de la pensée conditionnée par les croyances et elle est l’obstacle majeur pour être libre de toute souffrance.

En vérité, il est essentiel de comprendre ce qu’est la souffrance ou plutôt le souffrant, avant de mettre en application quelque chose propre à chacun de nous afin d’en être libéré non pas superficiellement, mais totalement. La souffrance est très importante actuellement et elle doit exister pour nous faire prendre conscience de notre pauvreté intérieure et notre inconscience qui consiste à croire que la pensée est le pouvoir suprême.

Je suis très conscient que la souffrance est partout sur notre planète, non seulement dans les pays où la famine et la guerre sont présentes, mais également dans les pays qui se croient évolués. Nous souffrons et les solutions politiques, mondiales et sociales ne peuvent pas créer autre chose que la souffrance, car ils sont les causes agissantes qui créent le conditionnement de la pensée ou les croyances pour finalement former nos propres souffrances sans être conscients.

Les gens vivant dans la sécurité de leur richesse, de leur pouvoir ou de leur gloire ne peuvent pas être secoués afin de transformer ce monde de corruption, d’égoïsme et de cruauté. Ce n’est pas à eux que je m’adresse, mais à ceux qui vivent l’inconfort de la souffrance. La vérité est avec vous, donc l’énergie est toujours présente. Cependant, ceux qui cherchent à transformer le monde, sans se comprendre d’abord, cherchent la gloire et le pouvoir, mais ils n’en sont pas conscients. En vérité, ils ne s’intéressent pas à la souffrance ou aux souffrants, mais à leur désir égocentrique. Ils ne peuvent s’y intéresser, car ils ne la vivent pas personnellement en sentiment, qui est la vérité.

Ce qui nous intéresse ne sont pas les idées, mais les faits. Alors suivre ceux qui ont des idées et non les faits véritables, c’est créer et recréer la souffrance en nous et autour de nous. Ainsi, pouvons-nous voir que les idées, les théories, les hypothèses et les expériences passées provenant de ceux qui ont accumulé beaucoup de connaissance ne peuvent pas créer autre chose que la confusion et la souffrance ?

L’auteur de ce livre n’a pas beaucoup accumulé de connaissance qui est simplement de la mémoire passé, donc il a l’esprit vidé du connu. Il n’est pas piégé dans les croyances et les normes de respectabilité qui font obstacles à la vérité qui est constamment en mouvement. La souffrance le concerne personnellement et il comprend ceux qui souffrent et qui sont inconfortables actuellement, il n’est pas séparé entre une personne qui sait et un autre qui ne sait pas. Ce qui l’intéresse est le fait de voir que nous souffrons et que notre monde souffre. Penser à la souffrance, au bonheur ou aux solutions possibles, c’est se demander si nous devons contacter les pompiers lorsque la maison est entrain de brûler.

L’action véritable est instantanée et sans réfléchir lorsque nous comprenons et prenons conscience de notre processus de penser et de notre responsabilité personnelle concernant la souffrance ou tout autre problème. Si l’humanité souffre, c’est que nous souffrons personnellement dans nos relations quotidiennes qui se projètent ensuite à l’échelle mondiale.

Nous sommes tous responsables de la souffrance et elle s’éloignera de nous sans effort lorsque nous verrons individuellement ce que nous faisons, pensons, disons et sentons à chaque instant. Chercher le bonheur, la joie ou la paix sont des illusions pour fuir la compréhension de ce que nous sommes maintenant. Les faits véritables sont qu’actuellement nous sommes méfiants, égoïstes, cruels, jaloux, menteurs, ambitieux, ignorants, injustes, malveillants, agressifs, compétitifs et quoi d’autre. Pouvons-nous arrêter de fuir ces états d’être et les comprendre au lieu de les juger de mal ?

Nous cherchons la lumière au moyen des ténèbres qui sont en nous, il y aura de la lumière lorsque nous comprendrons ce que sont les ténèbres. Cependant, nous croyons être illuminés dans nos croyances et nos connaissances, sans apercevoir que pour comprendre quelque chose véritablement, nous devons au moins observer deux points opposés, au cas où le vrai soit faux. Comment pouvons-nous savoir qu’un homme est un homme ? Il faut nécessairement voir autre chose qu’un homme, soit une femme n’est-ce pas ? Il en va de même concernant la joie, nous devons comprendre ce qu’est la souffrance et non la fuir vers des idéaux illusoires que nous nommons par des mots agréables qui signifient la même chose en réalité. La confusion ne peut pas créer autre chose que de la confusion, même si nous essayons ou travaillons très fort.

Si ceux qui souffrent vont consulter des gens dans la confusion, que va t-il y avoir comme conséquence ? Ceux qui vivent dans la sécurité ont un intérêt à ce que la souffrance des autres demeure, car c’est une question de pouvoir, de confort et d’égoïsme. C’est la peur de perdre une certaine forme de sensations agréables et sécurisantes en exploitant les êtres humains. Voilà le genre d’aide que les gens reçoivent. Aider dans le sens véritable de se faire exploiter pour satisfaire les désirs égocentriques de ceux qui cherchent à montrer combien ils sont serviables, aimables et gentils.

En vérité, si les gens désirent aider les autres, la première chose à faire, il me semble, est celle de se comprendre, se connaître d’abord tel que nous sommes et non selon ce que nous devrions être. Nous sommes hypocrites et cherchons à montrer une image contraire à ce que nous sommes. Nous souffrons et cherchons à projeter une image de quelqu’un qui est heureux. Lorsque nous cherchons quelque chose à manger, est-ce que ceci signifie qu’actuellement nous avons faim ? Ainsi nous pouvons observer que la faim engendre notre désir de manger, alors si notre désir est de montrer que nous sommes heureux ou toute autre image, que signifie exactement cette poursuite en ce moment ? Pourquoi cherchons-nous à prouver quelque chose ? De quoi avons-nous peur ou que fuyons-nous ? Le désir est une contradiction, mais chercher à le dominer est aussi une contradiction, alors pouvons-nous le voir tel qu’il est sans jugement ?

J’espère que vous avez les nerfs solides, car ce livre ne parlera pas de choses illusoires que vous connaissez déjà et par lesquelles vous êtes à l’aise et confortable. Il est temps de nous secouer un peu afin de ne pas continuer à dormir dans nos confusions intellectuelles qui se nomment nos croyances ou habitudes inconscientes que nous cherchons à protéger depuis des milliers d’années ou depuis les dernières secondes passées. La vérité est maintenant à chaque instant, donc elle ne peut pas être imitée, copiée ou expérimentée de façon identique à tout être humain. Cependant, nous croyons que l’apparence est similaire, par contre elle nous montre une image et non la totalité de ce qui est. Un iceberg n’est pas seulement ce que nous observons avec nos yeux, mais également ce que nous ne voyons pas, qu’il soit sous l’eau ou à l’intérieur de ce corps glacé ou de n’importe quel point de vue.

Pour comprendre la souffrance, il nous faut voir à la fois ce qui est visible, invisible et la source qui crée cette forme. Si nous cherchons à la fuir au moyen de solutions idéales afin de produire des effets contraires, alors nous enveloppons la surface extérieure de notre iceberg avec des images ou des mots qui nous procurent des sensations agréables ou sécurisantes. En réalité, notre souffrance, qui est un sentiment intérieur, est toujours là, car la cause qui la crée n’est pas comprise en totalité. Les illusions ou images de sensations nous permettent d’oublier notre souffrance temporairement.

 


Copyright © 2004, Les éditions Mélonic