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    La dernière souffrance

Chapitre 3

Sous-chapitre C

Les effets de la souffrance

Lorsque nous vivons une grande souffrance, nous sommes dans un état insupportable et inconfortable d’une profonde peine et angoisse. Est-ce que nous pleurons pour ce que nous n’avons plus ou pour le vide que nous avons en nous ? Si nous pleurons pour la perte, alors nous sommes possédés par cet objet, possédés par notre ego qui cherche à se protéger, mais si nous pleurons pour le vide que cela provoque en nous, alors nous nous prenons en pitié. Se pourrait-il par ailleurs, que nous soyons pleinement conscients de nous-même pendant cet instant ? Nous voyons notre pauvreté et notre vide intérieur. Pourquoi ne pas demeurer avec ce qui est afin de comprendre toute la profondeur et la perfection de ce cadeau reçu de la vie ? Sommes-nous entrain de nous juger concernant ce sentiment ? Ne pas se comprendre tels que nous sommes en cherchant une voie, un moyen pour se débarrasser de cet inconfort est manifestement un jugement qui créé notre propre sentiment de culpabilité.

Lorsqu’on désire des résultats ou des solutions immédiates, on détruit la possibilité de compréhension profonde d’un problème. Nous voudrions éliminer la souffrance en modifiant l’apparence de ce que nous percevons et sentons en nous. On cherche également à se cramponner à ce qu’on a déjà afin de ne pas le perdre. Dans les deux cas, nous créons des résistances et des luttes supplémentaires qui provoquent une plus grande souffrance en nous et autour de nous.

Notre principal souci est de comprendre la cause véritable sans chercher à modifier ou à garder ce qui est apparent. Cependant, notre monde encourage le fait de chercher des solutions « créatives » à faire pour fuir la compréhension d’un problème et fuir également les sentiments. Ainsi, le verbe faire est notre manière de se libérer de la souffrance sans la comprendre et porter constamment un jugement sur l’effet vécu ou sur ce que nous pourrions vivre à cet instant. Si ceci fonctionnait véritablement, alors pourquoi notre monde et notre vie est-il dans cet état ? Il y quelque chose que nous ne comprenons pas et qui ne fonctionne pas.

Lorsque nous parlons de se libérer de la souffrance, s’agit-il de se débarrasser temporairement de ce problème en nous ? Si c’est ce que nous désirons, alors trouver une solution à faire sans comprendre la cause véritable est ce qui fonctionne. Il est essentiel que nous vivions les effets de la souffrance, car sans cette conséquence, comment pourrions-nous prendre conscience de ce que nous sommes et ainsi évoluer consciemment ? Ceux qui ne vivent aucune douleur, aucune souffrance et aucun problème, sont en réalité des gens morts dans la sécurité et l’isolement. Pourtant, nous sommes convaincus qu’une vie sans souffrance est le plus grand idéal et nous cherchons à imiter cette voie. Je ne suis pas entrain d’affirmer qu’il soit bien de souffrir, mais que la souffrance doit exister dans ce monde cruel et inconscient pour nous permettre de se libérer totalement de l’emprise de la souffrance, sortir de ce cauchemar que nous croyons être le paradis. Nous devons dépasser la souffrance et pour la dépasser, nous avons à la comprendre telle qu’elle est, non la fuir sans jamais l’aimer, la connaître.

Nous créons nos cauchemars en cherchant le paradis, ne le voyez-vous pas ?

     Pour explorer les problèmes humains, il nous faut au départ être libre de tout préjugé, croyance et opinion, sans quoi nous n’irions pas bien loin. C’est précisément ce que nous ne faisons pas lorsqu’une situation inconfortable nous afflige. Nos croyances, nos habitudes et nos connaissances passées nous empêchent de comprendre la vérité actuelle sans distorsion et sans peur.

Les effets de la souffrance sont facilement sentis par ceux qui la vivent en eux, par contre, les formes et la cause véritable ne le sont pas. En vérité, la souffrance est un jugement porté sur notre sentiment présent sans en être conscient. La difficulté n’est pas d’enlever ou de soulager le jugement, mais d’être conscient de ce qu’est un jugement. Or la conscience n’a rien à voir avec un autre, mais nous avons été conditionnés à vivre selon les désirs des autres sans qu’eux ne soient conscients de ce point de vue. Ainsi nous abordons la vie en tenant compte de ce que les autres nous disent concernant ce qui est bien ou mal pour nous. Pourtant, lorsque nous avons mal en nous, avons-nous besoin de quelqu’un pour le savoir ? Les problèmes commencent quand notre sentiment diffère avec ce que les autres ont dit, alors que choisissons-nous ? Notre vérité ou le jugement des autres qui n’est pas une vérité ? Si nous choisissons la nôtre, nous obtenons une provocation des autres qui nous culpabilise, nous fait peur par les menaces ou les conditions que nous définissons par les mots récompense ou punition, nous connaissons toutes ces choses là n’est-ce pas ? Les gens près de nous comme nos parents, nos professeurs, nos patrons, etc., nous font sentir mal afin de se croire meilleur, avoir raison et gagner sur nous afin de nous dominer, de nous manipuler. Pouvons-nous observer directement et sans distorsion les milliers de fois que nous avons été jugés et ensuite les habitudes qui en découlent ? Par conséquent, nous jugeons les autres et nos propres sentiments sans être conscients.

Je vous en pris, veuillez observer ceci et laisser cette information pénétrer en vous sans chercher de réponse. C’est de votre vie qu’il s’agit. Pouvons-nous voir le non respect de nos sentiments et l’oublie de soi que nous avons subit ? Comment être conscient de soi quand notre environnement, qui dit nous aimer, nous renie et nous juge sans cesse ? Maintenant observez-vous en relation avec vos proches et peut être découvrir les mêmes comportements ?

Ainsi la compréhension profonde d’un problème est abordée par le faux, par ce qui ne fonctionne pas. Voir directement ce que nous pensons, disons, faisons et sentons à chaque instant est la chose la plus difficile au monde, car nous avons été conditionnés à vivre selon ce que les autres pensent de nous afin d’éviter d’être jugés par eux. Voilà pourquoi la souffrance, la crainte, la solitude et l’inconfort sont les états d’être que nous tous sur cette terre vivons régulièrement. Chercher à prouver le contraire en montrant que nous vivons heureux est encore une fois ce mouvement, cette peur, pour fuir ce qui est vers ce qui devrait être. Nous sommes aveuglés par nos poursuites égocentriques et inconscientes, sans se rendre compte de notre incapacité de nous voir tels que nous sommes d’instant en instant dans nos relations quotidiennes.

Le jugement fait apparaître la peur de choisir l’inconnu, le neuf, tandis que la compréhension fait apparaître la conscience de choisir le neuf. Le jugement vient toujours des autres et lorsqu’il fait partie de nos habitudes, nous nous jugeons sans en être conscient. Ensuite, pour sauver la face de notre irresponsabilité, nous jugeons les autres pour nous élever sur eux afin de compenser notre pauvreté intérieure.

Pour faire la distinction entre un sentiment et un ressentiment, rien de plus simple que de voir qu’un ressentiment est quelque chose senti de nouveau, donc quelque chose de connu. Ainsi, un véritable sentiment ne peut pas être reconnu, car s’il est reconnu, ce n’est rien de plus que du ressentiment ou une sensation connue. Comment pouvons-nous affirmer que nous connaissons ce qu’est un nouveau sentiment ? En vérité nous pouvons seulement reconnaître le connu, soit nos ressentiments. Alors si nous identifions la souffrance en nous, c’est que nous avons déjà ressenti ceci, alors nous pouvons comprendre facilement qu’un sentiment nouveau ne peut pas être décrit par les mots. L’inconnu n’est pas quelque chose de connu. La souffrance ou tout autre inconfort est une répétition de quelque chose de connu, d’ou la base à sa source dans notre habitude ou croyance de vivre selon ce qui est connu et non de faire entrer en nous ce qui est nouveau. Nous cherchons à revivre les mêmes situations connues ou confortables et alors nous vivons les mêmes sentiments à nouveau, soit les ressentiments ou les sensations, quoi que nous fassions.

La souffrance est un effet, une conséquence résultant d’une expérience connue. Nous cherchons à vivre selon un idéal, sans observer ce qu’est un idéal que nous croyons être bien. Or, ce n’est pas l’idéal le problème, mais le fait de porter un jugement au départ de ce qui devrait être « bien » ou « mal » à propos de cet idéal ou tout autre chose. Par exemple, nous affirmons que la justice est ce qui devrait être bien, mais nous ne sommes pas conscient de ce qui engendre cette pensée à propos de ce que la justice devrait être. En vérité, nous sommes injuste et nous cherchons à être juste, alors nous nous efforçons à faire quelque chose afin d’arriver à être juste, sans observer que durant tout ce passage illusoire, nous sommes toujours injuste n’est-ce pas ? Il s’agit simplement de comprendre ce que nous cherchons et de comprendre ce qui nous pousse au départ à chercher cette fin.

Si nous sommes seulement concentrés sur la fin, alors nous vivons dans une moitié d’univers et nous croyons que l’énergie véritable pour agir devrait être une fin, un rêve, un but, un objectif, un motif ou n’importe quel mot qui vous satisfait. N’est-il pas nécessaire de voir à la fois le début et la fin et ne pas porter de jugement ?

Si je cherche à montrer que je suis intelligent en accumulant des connaissances ou si je cherche à être reconnu, il n’y a pas de mal à ceci. Par contre, suis-je conscient de ce qui engendre ces recherches ? Le contraire n’est-ce pas ? Le désir à sa source dans la contradiction, alors je vois que je suis vide intérieurement et je vois que je ne me connais pas. Cependant, comment se fait-il que je sois animé par cette pulsion afin d’arriver à devenir plein de connaissance et être reconnu ? D’où m’est venu cette idée ? De moi ou de l’environnement qui m’entour ? Je vous en pris, découvrons ensemble nos propres vérités et non se soumettre à une autorité qui causera une croyance profonde. Je souffre, non pas parce que je suis seul ou autre inconfort, mais bien parce que j’ai porté un jugement passé sur ce qui devrait être une vie de plaisir, de joie, de paix et d’amour sans comprendre ce que je suis en cet instant. J’ai été hypnotisé par l’environnement qui m’a appris à cherché des idéaux et des solutions de ce qui devrait être bien pour moi.

Nous ne pouvons pas savoir à l’avance ce qui sera bien pour nous si nous n’expérimentons pas personnellement nos choix en toute liberté. Or, peut-on parler de liberté, lorsque nous devons suivre les choix imposés de ceux nés avant-nous qui disent ce qui devrait être bien ? Est-ce qu’ils ont eux-mêmes expérimentés librement leurs choix ou ont-ils été obligés de suivre eux aussi leurs prédécesseurs ?

La vérité n’est pas un chemin connu, mais nous croyons fermement que le passé est la vérité, alors nous reproduisons les mêmes effets dans notre monde. À voir ce qui se passe, sommes-nous libérés de la souffrance, de la malnutrition, des guerres, des colères, des cruautés, des viols, des haines, des jalousies, des disputes, du racisme, des tueries, des maladies physiques, de l’esclave d’un emploi, de la méchanceté et des douleurs atroces ? Tous ces effets sont engendrés par nos croyances concernant ce que la vérité est, qui ensuite provoque nos expériences réactives. Ces expériences sont nos relations avec les gens, les choses et les idées.

L’intermédiaire entre la cause et l’effet est l’expérience qui est notre monde de relation. Nous devons comprendre ce processus profondément afin de ne pas vivre endormie comme nous le sommes actuellement. Nous sommes ce processus, il n’y a pas de séparation entre cause, expérience et effet. Être, faire et sentir d’être, voila le cercle, ce n’est pas une ligne qui débute de la gauche pour se terminer vers la droite.

Actuellement le processus que nous utilisons de générations en générations (par le connu en connu ou selon nos croyances) est celui de nier qui nous sommes (selon ce que les autres nous disent d’être au moyen du jugement et des punitions ou récompenses), de faire par devoir ou obligation (selon un échange de besoins) et de croire ce que nous sommes en image de sensations (selon nos possessions qui nous possèdent).

La relation est l’outil intermédiaire entre la cause et l’effet, elle donne forme à la matière physique et métaphysique. C’est par cet outil que nous pouvons sentir en nous le pouvoir de création que nous avons, en autant que l’expression est libre. C’est là notre défi, nous avons été conditionnés à suivre et imiter le connu, le passé, alors nous croyons être insuffisant et incomplet selon ce que nous avons eu comme message de jugement sur ce que nous devons faire ou ne pas faire. Observez, observez et observez sans préjugés et sans accepter ou rejeter ce qui est. Le neuf ne peut pas venir à nous lorsque notre esprit est infesté de conclusion, de jugement et rempli de connaissance spécialisée qui est inutile pour voir la vie telle qu’elle est. Nous regardons par des filtres qui se nomment les croyances des autres. Le problème ne sont pas les croyances, mais ce que nous croyons de bien ou mal à leur sujet.

       Le bien et le mal ne sont pas des conclusions selon les autres, mais selon ce que nous sentons concernant une expérience personnelle que nous sommes conscients d’avoir choisie et créée librement.


Copyright © 2004, Les éditions Mélonic