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    La dernière souffrance

Chapitre 3

Sous-chapitre E

La cause de la souffrance

Toutes les souffrances et les douleurs sont causées par nos habitudes inconscientes à nous réaliser, à s’accomplir ou chercher le succès ou la réussite individuelle. Nous sommes différents au point de vue biologique, mais le sommes-nous au niveau de l’être ? Lorsque je comprends que je suis relié avec tous les êtres, que ce que je suis, l’autre aussi l’est, que ce que je sens, l’autre aussi le sens, alors je refuse de me disputer avec quelqu’un qui n’est pas conscient de lui-même. Dans cette relation de bien-être pour tous les deux, je lâche prise et je ne désire pas gagner ou avoir raison. Il y a une dispute lorsque deux personnes cherchent à gagner, mais à présent il n’y a plus qu’une seule personne qui se dispute, comprenez-vous comment la question a évolué ? Je vois le caractère illusoire d’une vie individuelle, une vie ou nous cherchons à devenir meilleur ou plus fort qu’un autre.

Il y a de la souffrance, des conflits lorsque nous cherchons individuellement à être bien sans comprendre qu’il n’y a aucun bien-être si l’autre avec qui nous sommes en relation n’est pas bien. Si nous souffrons, c’est parce que nous avons été conditionnés à chercher une fin et non comprendre ce qu’est le véritable sens de la relation à chaque instant. Le sentiment est toujours maintenant, l’autre aussi vit des sentiments en cet instant, mais si je suis concentré sur mes désirs qui sont des idées concernant ce que je cherche personnellement à avoir, être ou faire, alors je ne suis pas conscient de la relation, je suis en dehors du présent qui sont nos sentiments. Je suis inconscient, donc en état d’égoïsme. Me comprenez-vous ? Le problème n’est pas l’autre, mais ce que je suis en relation avec l’autre qui cause un problème.

Je répète la phrase originale de ce sous-chapitre, car il se pourrait que vous l’ayez déjà oublié. Toutes les souffrances et les douleurs sont causées parce que nous sommes conditionnés à nous réaliser, à s’accomplir ou chercher le succès, le bonheur ou la réussite individuelle. Nous sommes programmés à fuir le moment présent et programmés à se séparer des autres par l’individualité. Est-ce assez clair pour vous ? En vérité, nous sommes ignorants et inconscients de ce que nous sommes et alors nous cherchons toute sorte de moyen pour arriver à nous connaître et nous aimer.

C’est lorsque je vois simplement ce mouvement de fuite, ces luttes et ces résistances, cette peur sans jugement que je peux m’en libérer. Je vois toutes les illusions dans lesquelles je vis et alors je souris en voyant combien j’ai été hypnotisé. Je ne cherche plus à fuir et alors la conscience de moi-même entre en existence sans la chercher. Je ne sais pas si vous voyez ce que je vois actuellement. Si vous ne le voyez pas c’est très bien, car peut-être ce que vous voyez sont vos propres croyances qui vous empêchent de voir ce qui est ?

Si nous ne sommes pas conscients de nos choix, alors ce que nous vivons comme effets va nous apparaître comme quelque chose dont nous ne croyions pas avoir choisi. Cependant, le plus grand mystère demeure notre ignorance concernant ce qu’un choix est au juste.

Un choix n’est pas une croyance et il n’est pas une pensée ou un désir concernant une multitude de possibilités. Si je vais à l’école et que je reçois l’information de choisir parmi les cinq cents emplois qui donnent une carrière prometteuse, alors je n’ai pas de choix véritable, ceci est une illusion, car la question n’est pas de choisir un travail selon les possibilités présentes, mais qu’est-ce que j’aimerais faire comme travail et aussi qu’est-ce qu’un travail au juste ? À partir de ce point, il n’y a aucune influence extérieure et notre choix devient un choix totalement conscient et dépourvu de peur selon ce que nous devrions faire ou choisir de faire. Notre responsabilité est complète et sans jugement. Si le choix n’a pas apporté ce que l’on voulait, alors l’erreur n’est pas de se juger d’avoir fait un mauvais choix, mais de comprendre que nous avons choisi quelque chose qui ne nous convenait pas.

Nous sommes pleins de croyances qui nous empêchent de nous comprendre et nous voir tels que nous sommes, alors nous cherchons comme tout le monde à avoir une sécurité dans une relation permanente, une demeure permanente, un emploi permanent et une vie permanente sans mourir, en vérité la permanence n’existe pas, mais nous voudrions vivre confortable tout en affirmant que le changement est nécessaire. D’un coté nous recherchons la permanence et de l’autre le changement, pouvons-nous voir la confusion que nous vivons ?

Nous parlons de changement, mais nous demeurons dans nos vieilles habitudes confortables. Nous cherchons à transformer la société et nous demeurons inflexibles dans nos relations. Nous voudrions voir nos enfants devenir des symboles de réussite sans comprendre qu’ils ne sont pas des objets de gloire personnelle, mais des êtres humains. Nous cherchons à obliger les enfants à adopter nos valeurs et nos croyances sans observer que nous fuyons la beauté et la liberté de ce qui est neuf. Ensuite, nous parlons bien fort d’évolution, de grandeur, de succès, d’estime de soi, de nouveauté, de créativité et d’amélioration. Pourtant nous sommes des aveugles et nous répétons, répétons et répétons des schémas de pensée qui produisent des souffrances et des malheurs partout autour de nous qui ensuite se propagent à l’échelle mondiale.

Comment pouvons-nous expliquer à un autre ou à soi-même le chemin idéal à suivre pour arriver à une destination quand nous ne savons pas nous-mêmes où nous sommes actuellement ? Celui qui cherche un chemin n’est-il pas quelqu’un qui est perdu en ce moment ? Celui qui désire montrer aux autres un chemin n’est-il pas lui aussi entrain de chercher quelque chose ? Chercher à être reconnu, donc dans l’ignorance et l’inconscience la plus destructive ?

En vérité, il n’y a pas de route idéale à suivre, car le problème n’est pas la route, mais de « suivre » une route, qui est une imitation connue d’un passé. La vérité n’a pas de chemin déjà tracé, elle n’est pas dans la dimension de la relativité, donc intemporelle. Suivre quelqu’un c’est se soumettre à une autorité et en devenir esclave. La liberté n’est pas une fin ou un chemin qui nous amène à une fin, elle est notre nature pour exprimer ce que nous sommes. Si je prends une route connue, je ne suis pas libre, mais dépendant des connaissances et expériences des autres, donc je suis soumis à l’autorité.

La cause véritable de la souffrance est le souffrant lui-même qui n’est pas conscient d’être le responsable de sa vie. Il n’y a pas de séparation entre ce que nous sommes et ce que nous sentons. Le souffrant est la souffrance. Ne pas être conscient de notre responsabilité, c’est inviter la culpabilité et alors, les excuses et les reproches sont exprimées pour sauver la face ou l’image de soi. Nous avons été conditionnés à ne pas nous aimer et c’est très bien, car nous pouvons voir autre chose pour choisir librement.

L’action véritable est ce que nous sommes conscients d’être et la réaction est ce que nous croyons être, l’expérience est ce que nous pensons, disons et faisons en relation avec les gens, les choses et les idées. Les conséquences sont trois effets, d’abord les sensations sécurisantes en relation avec les formes ou les images qui sont les accumulations de possessions matérielles, ensuite les sensations de reconnaissance, de pouvoir et d’importance en relation avec les idées qui sont les accumulations de connaissances ou de pouvoir et finalement les sentiments lorsque nous sommes en relation avec les gens qui est le bien-être à chaque instant. Être en relation c’est être relié avec et non être séparé par les images que nous croyons être. Les sensations créent les images connues et les sentiments créent les vérités inconnues. Est-ce que l’évolution est un mouvement d’un connu vers un autre connu ?

Ce processus n’a pas de fin, car la fin est un début, donc il est éternel et intemporel. Nous sommes ce processus et ne pas nous comprendre directement et profondément dans nos relations, c’est inviter constamment la souffrance. Se connaître par soi-même est la dernière souffrance et sans la relation nous ne pourrions pas avoir la possibilité de nous connaître.

Notre difficulté est de comprendre et voir la différence entre un effet de sensation et un effet d’un sentiment. Cette distinction est très simple, mais peu de gens la croient. Une sensation est toujours quelque chose de connu que nous cherchons à obtenir, donc si elle est connue, ceci veut dire que nous l’avons déjà identifiée par un mot, car nous nous en souvenons, elle est du domaine du passé que nous voudrions revivre. Par contre, un sentiment ne peut pas être répété, car il est engendré par l’inconnu, le neuf, alors nous ne pouvons pas identifié, nommé par un mot ce sentiment. Le sentiment est toujours maintenant et se souvenir d’un sentiment, est en vérité une sensation, me suivez-vous ici ?

C’est lorsque notre pensée intervient dans une situation que nous commençons à vouloir, à désirer répéter ce qui est connu. Ce connu agréable que notre pensée cherche à reproduire pour se protéger d’un quelconque inconfort en relation avec le moment présent. Nous pouvons voir que la pensée fuit constamment la vérité pour se réfugier dans un endroit ou une zone confortable et répéter le vieux, le connu.

Se connaître et se voir tel que l’on est dans nos relations apporte la clarté et l’attention nécessaire pour demeurer lier avec qui nous sommes et non qui nous pensons ou imaginons être. Cette compréhension ne peut pas être perçue selon des mots écrits dans un livre ou des paroles prononcées, mais doit être observée par chacun de nous dans l’actualité de notre vie présente.

Il n’y a aucune séparation entre la souffrance et le souffrant, donc il nous faut comprendre le souffrant, soit ce que nous sommes et non de chercher des informations sur la souffrance au moyen de mots habiles provenant des professionnels ou des maîtres concernant la souffrance ou le bonheur. Je ne sais pas si vous comprenez ce point ici. Si notre concentration est sur la souffrance, alors nous ne sommes pas attentifs à nous-mêmes et aux relations que nous vivons quotidiennement avec les gens, les choses et les idées.

Comment pouvons-nous être attentifs à nous-mêmes quand depuis notre enfance nous avons été conditionnés à viser des idéaux pour devenir importants et avoir du succès individuellement ? Cette obsession est devenue plus importante que notre être et nos relations avec les gens. Pourtant ce n’est qu’une idée illusoire, il n’y à rien de vrai, de concret dans une idée, le voyez-vous pas ? Une idée est une pensée et non un fait réel.

Notre société nous impose cette structure de réussite individuelle et de comparaison ou de compétition afin de prouver qui est meilleur et plus puissant qu’un autre. Les résultats sont nos croyances et nos traditions concernant le désir ultime de se réaliser individuellement par toute sorte de moyen et j’espère que le mot est assez bien visible pour le voir. Nous cherchons à devenir les plus grands et les plus puissants individuellement au lieu de devenir les plus grands et les plus puissants collectivement. Il n’y a pas de grandeur, quand notre prochain ne l’est pas autant que nous. Cette grandeur est notre bien-être à tous et ce prochain n’est pas seulement de la même race, la même nation, du même titre, de la même classe, le même sexe ou la même religion que nous, mais notre prochain est l’être humain partout où il habite.

Ces effets dans nos relations produisent des croyances ou habitudes inconscientes profondes qui nous gardent de plus en plus dépendant et prisonnier. Mais lorsqu’un problème arrive nous avons peur de perdre ce que nous possédons, nous réagissons par la colère, la jalousie, la haine, la violence, la guerre, le jugement, l’autorité et la possessivité en créant des souffrances et des douleurs dans nos relations. Nous pouvons même tuer au nom de l’amour, de notre religion ou notre pays pour prouver notre appartenance ou notre bonne foi. C’est ce que nous avons fait dans le passé et faisons encore aujourd’hui. Nous sommes possédés par nos objets et nos croyances et attaquons tous ce qui ne cadre pas dans cette façon de penser mécanique en cherchant l’appui des autres ou de Dieu pour recevoir l’approbation de nos gestes affreux et continuer encore et encore à détruire notre monde pour se concentrer uniquement sur nos désirs individuels.

Nous sommes le produit des autres ou nous sommes le produit de nos choix conscients. Il est facile ici de voir la vérité, mais nous ne pouvons pas le croire et alors nous ne pouvons pas le voir et nous comprendre tel que nous sommes, ainsi nous continuons à expérimenter le même connu dans la souffrance, la misère, l’ennui, les conflits et les divisions.

L’école en est une exemple frappante concernant les enseignants et la propagande des mêmes points de vue passés de ceux qui dirigent et ainsi nous piéger dans leurs croyances afin de soutenir et servir inconsciemment leur pouvoir et leur désir. Le problème n’est pas l’école et les compétences techniques, mais ce que nos enfants reçoivent comme enseignement et comme relation quotidienne. L’enseignant connaît et l’élève ne connaît pas, est-ce encore une sensation de pouvoir sur un autre ? Les règles et les disciplines de toutes sortes pour que nos enfants se soumettent à l’autorité et devenir des esclaves au profit des désirs des autres. Comment ne pas avoir de motivation véritable ? Ceux qui sont motivés le sont par la peur rien de plus. Nous les adultes, avons peur de leur donner tort et d’apporter d’autre point de vue, car nous croyons que les professeurs et ceux qui dirigent sont qualifiés, quelle belle ignorance. Ensuite nous disons que nous aimons nos enfants et nous ne les comprenons pas et ne respectons pas leurs sentiments.

La liberté d’expression est un choix conscient, tandis que l’obéissance est une ligne de conduite imposée par une autorité qui cherche le pouvoir sur nous. La société exerce une grade pression sur nous afin de devenir comme tout le monde, soit des gens médiocres, égoïstes, méfiants, malades, hypocrites, exploiteurs et compétitif. Les croyances sont des drogues de l’esprit au même titre que la cocaïne, la marijuana ou certains médicaments le sont pour celles du corps.

La véritable cause de la souffrance est notre inconscience de se connaître et comprendre que nous vivons dans un monde faux et illusoire qui a créé en nous tous des pensées confuses concernant qui nous sommes exactement. Et pour s’en libérer, nous devons vivre en relation avec ce monde et non le fuir afin de nous apporter la conscience ou le choix entre ce qui est et ce qui n’est pas.


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