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    La dernière souffrance

Chapitre 4

Sous-chapitre B

L’action de comprendre

Comprendre n’est pas une accumulation de connaissance sur des sujets particuliers ou spécialisés. Ce n’est pas non plus être concentré sur un seul point de vue et d’élaborer des mots et des phrases afin de montrer notre niveau d’instruction et de compétence. Lorsque je vous dis que je vous comprends, que signifie exactement ceci ? Est-ce que je comprends ce que vous vivez actuellement ou j’ai déjà une image connue de vous qui m’apporte cette forme de sécurité et d’information passée ? Qu’est-ce que nous comprenons au juste ? L’être actuellement ou l’image de cet être ? Me comprenez-vous ?

Maintenant, lorsque nous affirmons que nous nous connaissons, que nous nous comprenons, que signifie cette énoncée ? Depuis quand avons-nous été en relation profonde avec soi-même ? Si nous sommes conditionnés à fuir ce qui est inconfortable vers ce qui est agréable, comment pouvons-nous être relié avec soi-même afin de comprendre et être attentif à ce que nous sommes ?

C’est lorsque nous sommes reliés avec la souffrance sans chercher à la fuir, que nous comprenons ce qu’elle est en ce moment. Nous avons inventé des milliards de mots pour fuir ce que nous sommes et ainsi créer les illusions de ce que nous ne sommes pas afin de pouvoir porter un jugement et de transférer notre propre responsabilité sur les mots, les images et les gens.

Le mot le plus vulgarisé sur notre planète est sans contredit le mot amour. Nous le répétons et le définissons selon des idéaux et des images, sans observer que l’amour est simplement un mot que nous utilisons pour décrire quelque chose qui nous fait du bien. Pourtant, nous sommes ce qui fait du bien, mais lorsque nous cherchons à nous réaliser individuellement, nous nous éloignons de ce qui fait du bien, de ce que nous sommes afin d’obtenir ce que nous croyons être bien. Croire est une fonction de l’esprit et bien est un état d’âme, de l’être.

Est-ce que l’amour est attachement à un idéal, à une image ? En vérité, l’amour tel que nous le connaissons est un souvenir, une idée, une image ou une pensée avec l’attachement, la dépendance, alors il y a de l’angoisse, de la colère, de la jalousie, de la haine et de la possessivité n’est-ce pas ? C’est ceci que nous appelons l’amour. Pouvons-nous comprendre que l’amour n’est pas une pensée, un désir, une sensation et un souvenir ? Si nous voyons ce mouvement qui cherche à fuir ce que nous sommes vers ce qui devrait être, si nous voyons ce mouvement confus et illusoire, alors le véritable amour pourrait entrer en existence. L’amour n’est pas de la même dimension que cet esprit habitué à fuir vers des idéaux.

Ainsi, la souffrance n’est pas différente de ce que nous sommes. Cependant, lorsque nous expérimentons ce mouvement, cette échappatoire pour ne pas être avec soi-même, nous recréons notre propre souffrance sans en être conscient. Comment pouvons-nous être conscient de quelque chose que nous ne sommes pas conscients ?

Lorsque notre vision est pénétrante et voyons que nous sommes la souffrance en ce moment ou tout autre mot, alors nous ne créons pas d’avenir à la souffrance et elle se libère sans laisser de résidu ou de trace en nous. Comprendre la souffrance, c’est comprendre le mouvement que nous faisons pour fuir, éviter d’être avec soi-même au moyen de solutions à faire selon des idées, qui sont des mots engendrés de notre mémoire.

La souffrance se libère sans effort lorsque nous comprenons que quoi que nous fassions pour obtenir l’opposé de la souffrance, en vérité nous produisons encore plus de souffrance en nous et autour de nous. Je comprends que certaines solutions peuvent apporter des soulagements temporaires, par contre, ce qui nous intéresse n’est-il pas la joie d’être bien à chaque instant ? Le bien-être ou l’amour est ce que nous sommes et non ce que nous devrions être. Chercher à se réaliser individuellement, à s’accomplir, à devenir meilleur, à devenir confortable ou n’importe quel mot pour fuir ce qui est, c’est inviter la confusion, l’ignorance, les divisions, les conflits, la solitude et la souffrance en nous et ensuite dans notre monde.

Je ne dis pas de ne rien faire, mais d’être conscient de ce qui est, de ce que nous sommes pour ensuite choisir en toute conscience ce que nous voudrions. En vérité, lorsque nous sommes conscients de ce que la peur est, de ce que le désir de contradiction est, les mots ne sont pas nécessaires pour faire entrer en existence l’inconnu, le neuf. Le connu étant la peur. Je ne sais pas si vous en saisissez les implications ici.

Comprendre notre souffrance sans chercher à mesurer selon hier ou à imaginer ce que sera demain, voilà la véritable compréhension. La souffrance vit lorsque nous fuyons ce qui est présent à l’instant au moyen du temps. La vie commence ou se termine la pensée confuse qui cherche une solution pour se débarrasser d’un inconfort sans comprendre, sans être relié avec l’inconfort. Cette pensée désire gagner, comparer, juger, raisonner, bref, à ne pas comprendre.

Nous avons à nous comprendre tel que nous sommes et personne sur terre comme au ciel ne pourra le faire à notre place. Nous sommes paresseux et nous demandons aux autres de nous instruire au lieu d’être nos propres enseignants. L’amour ne peut pas être recherché, c’est lorsque cesse la nécessité et le besoin d’utiliser ce que nous ne sommes pas, soit une personne, une idée ou un objet afin de combler nos propres inconforts et fuir vers des sensations agréables, que l’amour entre en existence.

L’amour n’est pas les descriptions romanesques et la satisfaction de nos désirs égocentriques de sécurité, de pouvoir et de plaisir. L’amour n’est pas un besoin ni un attachement envers un objet, une croyance ou une personne. Ce qui exprime l’amour est la liberté totale sans jugement et sans justification d’être, de faire et d’avoir ce que nous choisissons consciemment. Est-ce que la pensée, qui est le produit de la mémoire, est nécessaire dans une relation avec quelqu’un ? Nous savons que les connaissances sont essentielles pour construire un ordinateur, une fusée, un édifice, mais est-elle utile dans une relation avec notre conjoint, notre enfant, notre ami ou un parent ? Je pose une autre question, est-ce que l’amour est un souvenir, une image passée, une idée ?

Le souvenir d’un plaisir ou d’un désir obtenu, me suivez-vous ici ? Si notre relation et notre amour repose sur des souvenirs passés, alors je crains que nous soyons très limités dans une certitude ou une croyance passée. D’autre part, si notre relation ou notre amour repose sur des rêves futurs, alors nous sommes également très limités dans des idéaux illusoires qui apporteront des attentes et du stress en nous. Les rêves ou images de ce que nous devrions être, faire ou avoir, sont-ils quelque chose de neuf ou sont-ils des images que notre société corrompu et égoïste nous a conditionné à chercher, à réaliser individuellement ?

Si nous sommes en relation amoureuse et nous cherchons à réaliser nos propres désirs individuels, alors nous créons une division, une séparation dans notre relation. Demeurer ensemble pour montrer que nous réussissons est encore une forme de peur afin de compenser notre ego, notre image de ce que les autres pourraient penser de nous.

Si nous sommes en relation avec quelqu’un afin de réaliser nos propres désirs individuels, alors nous cherchons à exploiter l’autre et non à nous comprendre. En vérité, nous utilisons nos relations pour satisfaire nos besoins et nos désirs en faisant une échange avec un autre qui désir aussi satisfaire ces propres désirs. Il n’y a pas de relation, mais une convention entre deux entreprises qui cherchent des conditions et des obligations à respecter. Or, respecter une obligation n’est pas ce que la responsabilité est, car être responsable, c’est d’être libre et conscient de qui nous sommes.

La relation est l’unique expérience afin de se connaître et se comprendre tel que nous sommes. Mais nous avons été conditionnés à utiliser nos relations comme des moyens d’échanges pour nos désirs individuels. Je ne suis pas entrain de juger les désirs, ce que je désire apporter est simplement la conscience de ce qu’est la relation actuelle qui nous cause tellement de souffrance. Ce sont nos attentes, nos conditions et nos obligations envers les autres qui donnent ces effets inconfortables en nous et aux autres.

Lorsque nous sommes conscients de nos sentiments, de notre bien être à chaque instant, alors celui des autres nous apparaît clairement. Le bien-être ne peut pas être uniquement une affaire individuelle. L’être humain n’est pas individuel, c’est l’ego ou l’image de soi qui l’est par cette quête que nous avons à devenir un meilleur individu et poursuivre une destination qui n’existe pas.

Avez-vous déjà observé la relation entre deux individus ? Une est agressive et l’autre pas ? Une est calme et l’autre pas ? Une est enjouée et l’autre pas ? Une désire quelque chose et l’autre lui donne. Celui qui donne désire également se faire passer comme quelqu’un d’aimable. En vérité nous sommes centrés sur nous-mêmes, qui fait en sorte qu’une division se crée entre nous. Là où il y a division, le conflit et la souffrance existe et cette division nous l’appelons « amour ».

Sans amour, sans être relié ensemble concernant notre bien-être, quoi que nous fassions, comme acheter le plus gros château, la plus belle maison, nous tenir sur une jambe, aller à l’église à chaque jour, manger seulement du pain, prier et méditer dix heures par jours, quoi que nous fassions, sans amour nous ne ferions que créer des problèmes dans nos relations. L’amour n’est pas la satisfaction de nos désirs et plaisirs qui sont des résultats de nos esprits conditionnés à se réaliser en tant qu’individu. L’esprit pour penser avec justesse doit se comprendre et faire taire ce mouvement qui consiste à fuir vers des idéaux, des rêves égoïstes. Sans cette compréhension, l’esprit ne peut pas être libre.

L’amour ne peut pas être quelque chose qu’un autre possède ou détient. Ainsi, chercher à se faire aimer et simplement une recherche pour satisfaire ses propres désirs personnels. Les désirs sont ce que notre esprit cherche à réaliser, mais nous ne sommes pas conscients de notre état d’être, notre bien-être en ce moment. C’est cette inconscience qui crée nos souffrances, car nous désirons ne pas être avec ce qui est, mais plutôt à le fuir vers ce qui devrait être.


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