Conte-5002

Conte de Hervé Poirine, France

J’ai une peau qui ne m’appartient pas, une peau que l’on m’a donnée à ma naissance et qui ne me convient pas, une peau avec tous les attributs que vous désiriez, mais qui ne me correspond pas.

J’ai une peau qui n’est pas la mienne, même si vos regards prétendent le contraire, car ce qui se passe à l’intérieur de moi n’a rien à voir avec l’image que vous voyez, et je me sens mal de vous entendre me dire ce que je devrais être, et je me sens mal, parce que je ne suis pas cela, et que tout à l’intérieur de moi est bouleversé, comme une image inversée entre vous et ma réalité, comme votre obscurantisme involontaire et ma lumière si belle.

Et je ne peux vivre plus longtemps comme cela, sans être totalement moi, et je ne peux plus supporter d’être appelée par un nom qui n’est pas le mien, et je ne peux plus accepter vos remarques amusées, et je ne veux plus être la personne que vous pensez.

Alors, j’ai changé.

Alors je suis devenue ce que je voulais être, non sans douleur, non sans mal.

Alors maintenant, quand je me regarde dans un miroir, j’y vois le vrai reflet de ce que je suis à l’intérieur de moi, et j’aime sentir vos yeux courir sur mon corps, et j’aime jouir de ce plaisir que me donne ma nouvelle personnalité, et j’aime sentir les caresses sur ma peau si neuve par vos mains si grandes et si faites pour aimer.

Alors je m’accepte enfin dans ma totalité et dans ma féminité, je m’accepte enfin, car vous m’acceptez pour tout ce que je suis, et que vous avez oublié tout ce que j’ai pu être, et vous me courtisez alors qu’il n’y a pas si longtemps, vous m’auriez craché au visage, et je fais partie de vos fantasmes, alors qu’avant vous auriez eu horreur de m’envisager, et je fais partie de votre quotidien, alors qu’avant, vous m’auriez rejetée.

Je suis un serpent qui a enfin terminé sa mue.

Je m’appelais Simon.

Je m’appelle Simone.

Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic