Conte-5004

Conte de Hervé Poirine, France

Je te quitte parce que je t’aime encore… Je te quitte avant que notre amour ne soit mort et qu’il ne reste que des cendres et des souvenirs de nos années, avant qu’il ne reste plus que des reproches et des mots de fiel, avant que les “autres“ ne nous montrent du doigt en disant qu’un bonheur tel que le nôtre, ça ne pouvait pas durer, et qu’en fin de compte, nous sommes comme tout le monde.

 Je nous veux exceptionnels jusque dans notre rupture.

 Je te quitte parce que je t’aime encore, dans ton corps, dans ta chair, et que je ne veux pas que nos caresses deviennent des habitudes, que nos baisers deviennent trop secs, que nos sexes s’assemblent comme un jeu de mécano sans autre plaisir qu’un plaisir imaginaire issus de nos fantasmes où nous ne sommes même plus les acteurs principaux mais des seconds rôles s’activant sous les conseils d’un metteur en scène.

 Je te quitte, parce que je t’aime encore, dans ton esprit, dans les partages de la vie de tous les jours, dans les petits gestes de tendresses quotidiens qui vont devenir tellement communs qu’ils n’auront plus aucune signification.

 Je te quitte parce que je t’aime encore, et que j’aurai mal, et que ça sera dur, et que c’est une erreur, et que tu auras mal et c’est peut-être la dernière sensation commune que nous partagerons.

 Je te quitte parce que je t’aime encore et que dans mon corps et dans ma tête, il y aura toujours cette place que tu n’auras pas eu le temps d’effacer parce que notre histoire n’aura pas eu le temps d’être un pastel mais une toile dégoulinante des couleurs de la passion, de toutes les passions.

 Je te quitte parce que je t’aime encore et que je veux rester libellule et ne jamais devenir chrysalide, et ne jamais me plier au joug du monde, parce que le monde est laid, parce que le monde ne nous comprendra pas.

 Je te quitte parce que je t’aime encore, et que tu m’aimes encore, et que c’est l’image que je garderai tout au fond de moi, cet amour immortel parce qu’il n’a pas eu le temps de finir d’une mort trop douce, que nous lui aurons imposé de s’imposer à nous, et que nous en aurons été maître, et qu’il en sera la victime éternelle.

 Je te quitte parce que je t’aime encore… Je te quitte parce que je t’aime toujours…

Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic