Conte-5008

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Conte de Hervé Poirine, France

 

« Vous avez gagné ! ! ! »

Je viens de décrocher mon téléphone et j’entends cette voix qui hurle de nulle part que j’ai gagné…

Gagné quoi ? Je ne joue jamais, ni au loto, ni dans le moindre casino, et je ne réponds jamais aux courriers qui inondent ma boîte aux lettres m’informant que j’ai gagné tant de millions ou le plus fabuleux des voyages aux antipodes. Une mauvaise plaisanterie ? Peut-être. Un copain qui veut me faire une farce ? Possible. Ou peut-être tout simplement une erreur, ou que je suis l’heureuse victime d’un tirage au sort quelconque.

« Qui est à l’appareil ? » , je dis cela d’une voix sèche, histoire de montrer qu’on me dérange.

« C’est Pierre et vous avez gagné ! ! ! » me répond-on.

« Mais Pierre qui ? Et j’ai gagné quoi ? », je sens l’énervement me gagner, je ne suis pas trop patient, surtout quand on vient m’ennuyer dans la lecture d’un bon roman. Alors la voix à l’autre bout du fil qui me dit :

« Je suis Saint-Pierre, bien entendu, et vous avez gagné la place de Dieu ! ! ! »

Je reste abasourdi un instant, puis je ris et je dis :

« Bon, c’est bien : mais qui est au bout du fil ? Allez, si c’est toi, Franck, dit-le, ça devient pas drôle du tout ! »

« Mais non, vous n’y êtes pas, qu’on me répond, c’est bien Saint-Pierre ici et vous avez effectivement gagné la place de Dieu ! ! ! Je vous explique : Dieu est mort il y a quinze jours et nous avons lancé une grande loterie parmi l’ensemble des humains et c’est vous qui avez été tiré au sort ! ! ! Et vous avez gagné ! ! ! »

Je commence à trouver la plaisanterie un peu longuette, mais après tout, l’idée originale de ce farceur me séduit tout de même un peu, alors je décide de rentrer dans son jeu en essayant de le piéger :

« Mais je croyais que Dieu était immortel ? » : là, je suis sûr de l’avoir.

« Mais non, mon bon monsieur, me dit le pseudo Saint Pierre, Dieu est mortel, comme tout le monde, et nous en sommes déjà à notre vingt quatre millième Dieu. Moi-même, je suis le Saint-Pierre nouvelle génération depuis cinquante ans ! ! ! Vous savez, s’il faut croire tout ce que les gens ont écrit sur nous… »

Je reste atterré. Ce plaisantin se prend vraiment pour Saint Pierre et il me prend vraiment pour le nouveau Dieu :

« Dites, mon gars, je lui dit, on va peut-être arrêter là la plaisanterie et puis se dire au revoir, non ? Ca serait mieux pour tout le monde. Vous m’avez bien fait rire, mais maintenant c’est fini. »

« Mais je ne ris pas… » C’est tout ce que j’ai entendu avant de raccrocher.

Je m’apprêtais à retourner dans mon fauteuil afin de continuer la lecture de mon roman, lorsque tout à coup, je vis une énorme lumière blanche envahir mon salon et m’envelopper complètement, puis un bruit aigu à vous crever les tympans, et puis plus rien.

Et depuis, je suis là, au paradis. Et je suis Dieu. Pour combien d’années encore ? Je ne sais pas…

Oh, le paradis, c’est pas exactement comme on se le représente dans les bouquins : c’est un peu comme sur terre et c’est une véritable ruche d’anges, de saints, de martyrs en pagaille qui bougent sans cesse, à faire leur job.

Les anges veillent sans arrêt sur les terriens, et je t’assure que c’est du boulot, les saints me secondent et les martyrs souffrent en silence.

Moi, j’ai un grand bureau d’où je décide à peu près tout sur tout le monde. Car en devenant Dieu, j’ai quand même acquis quelques pouvoirs non négligeables quand on a cette charge, et je m’y suis habitué, à force.

Voilà, je crois que je t’ai à peu près tout raconté, je ne vais pas rentrer dans les détails, tu verras par toi-même, et même si tu ne me crois pas, je suis désolé, c’est comme ça. Alors que tu acceptes ou non d’être le nouveau Jésus n’a aucune importance, et que même si tu raccroches ton téléphone, tu sais à peu près ce qui va t’arriver, que c’est inéluctable.

Mais ne t’inquiètes pas, tu aurais pu plus mal tomber, chez mon collègue le diable, par exemple, je t’assure que chez lui, c’est pas une sinécure, y’a un boulot fou à entretenir tous ces feux en permanence.

Que veux-tu, il faut bien remplacer ceux qui s’en vont, et pour une fois que tu as une chance pareille dans ta vie, faut la saisir, mon gars.

Allez, je te dis à tout à l’heure, on a pas mal de choses à faire ensemble…

 

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Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic