Conte-5014

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Conte de Hervé Poirine, France

 

Je vous vois, vous avez beau vous cacher, je vous vois.

Ah ! Vous croyez m’échapper, mais vous vous trompez, vous aurez beau utiliser tous les artifices, je vous rattraperai et là, vous serez surpris du mal que je peux vous faire.

Vous serez mal à l’aise, tout d’abord, comme si vous aviez oublié quelque chose qui est important et qu’il ne fallait surtout pas perdre, comme si votre vie en dépendait en partie.

Et puis, ce sera plus insidieux, les effets commenceront à se faire sentir, une forme de dépression suivie d’angoisse vous titillera le ventre et vous dormirez mal, et vous ne comprendrez pas encore pourquoi, ce sera trop tôt et je tiens à ce que votre torture dure un peu, à ce qu’elle vous broie doucement.

Puis ce seront les suées froides, à n’importe quel moment vous vous trouverez pris au piège, et vous aurez chaud, même en hiver, et votre visage se mettra à rougir et vous serez incapable suivre une conversation, tellement obnubilé par vos propres pensées, que vos proches commenceront à se poser des questions sur votre état mental.

Vous risquez même de perdre votre emploi, à cause de moi, et par conséquent de perdre vos amis, votre famille, votre dignité peut-être, mais elle, vous l’avez déjà perdue puisque je vous accompagne, il vous reste peut-être encore à défendre votre honneur, ce dont je doute, car sans dignité, il y a peu d’honneur.

Ah ! Vous commencez à comprendre qui je suis !

Il est vrai que dans l’état qui est le vôtre, vous pouvez enfin me voir.

Je vous l’avais bien dit que je vous rattraperais, et bien, je vous ai eu.

Vous êtes mal, hein ? Vous auriez presque envie de vous tuer, tout de suite, non ?

Allez, je vais vous faire encore un peu mal, et qui sait, je vais peut-être vous accompagner pour le restant de vos jours dans votre corps de souffrance sourde, dans votre peau qui vous va si mal, dans votre tête, oui dans votre tête comme une sirène hurlant nuit et jour, rien que pour vous.

Mais vous savez, en fin de compte, c’est vous qui m’avez créé, je n’existerais pas sans vous et toutes vos bêtises, je ne serais même pas à l’état larvaire si vous ne m’aviez pas appelé, je ne serais rien qu’un mot dans le dictionnaire qu’on se représente vaguement si on ne l’a pas vécu, mais voilà, pour vous je suis totalement réel et je vous suce la vie.

Et je vous la sucerai encore longtemps, car malgré tout ce que vous avez pu faire, vous avez une âme, sinon je ne serais pas là, et c’est cela qui vous permettra peut-être de vous en sortir et de retrouver tout ce que vous avez perdu, tout ce que vous avez laissé.

D’autres n’auraient pas agi de même et leur vie se serait écoulée sans problème, car ils n’avaient pas conscience de qu’ils faisaient ou étaient totalement fous.

Mais vous, vous n’êtes pas comme ça, et grâce à vous, j’ai pu faire mon lit dans votre tête, grâce à vous je ne suis pas qu’un vain mot.

En fait, je devrais vous remercier de m’avoir tant donné, et j’espère que je vivrai encore un peu avec vous, c’est si bon d’exister.

Allez, il est temps de faire les présentations, mais vous savez déjà qui je suis, maintenant : je suis votre remord.

 

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Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic