Conte-5017

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Conte de Hervé Poirine, France

 

Le lundi est un jour de début de semaine qui devrait être agréable puisque c’est un début, mais moi, je le déteste.

Surtout quand il y a le soleil qui se love aux pieds de mon lit, comme un chat qui se tapit et qui se glisse le long de mes couvertures, et que je voudrais bien en profiter, lui laisser prendre le temps d’arriver à baigner mon visage de sa chaleur, de sa douceur, de sa langueur.

Mais non.

Le lundi, c’est le début de mes fins, mes fins de rencontres, mes fins d’amours qui s’étiolent et de mon corps qui se fane, fatigué, de mon esprit qui explose de toute son âme remplie de tant de douceurs et de sentiments qui s’entremêlent, mes fins de larmes de joie et de bonheur, mes fins de moi.

Le lundi, je le déteste.

Je le retrouve comme un ennemi qui place sa réalité devant moi, toute crue, indifférente à mes fantasmes et à mes rêves, fermée à toutes les passions qui broient l’intérieur de mon ventre, avec cette sensation brûlante d’exister.

Le lundi, je n’existe plus.

 Le lundi, c’est le miroir auquel on demande si on est la plus belle, dans notre naïveté, et qui nous répond que le CAC 40 a encore baissé, que la crise internationale n’est pas prête de s’arrêter, que des gens sont en train de mourir un peu partout dans le monde, que des guerres vont éclater ou ont éclaté quelque part, et qu’on écoute même pas, parce qu’on est encore remplie de tant et de tant, que ce miroir, on a envie de le briser, de lui faire rendre l’âme de nous renvoyer le monde en pleine face, comme si ce monde était réel et que le nôtre n’était qu’un rêve.

Hier encore, je rêvais.

J’étais dans ses bras, mon corps lui appartenait, mon cœur ne battait que pour lui, mes sens étaient ouverts, et prêts à prendre, et prêts à donner, et j’ai donné sans compter, et j’ai pris, et j’en voulais encore, et encore, et encore, jusqu’à plus n’être rien, personne, nulle part, sans lieu et sans âge, ébahie que la vie puisse être si douce.

Et puis le lundi est venu.

Il a remis son pantalon, ses chaussettes, m’a embrassé à la hâte et nous nous sommes donnés un nouveau rendez-vous, et nous nous sommes souris, un peu, pour dire qu’on s’aime quand même, qu’on va se retrouver, hein ? Qu’on va pas se quitter comme ça, que c’était beau, que c’était bon.

Mais déjà, ce n’est plus beau ni bon, il n’en reste que le souvenir qui s’estompe dans la rudesse du jour qui se lève, et dans les larmes qui noient mon visage, caché, il ne faut pas qu’il voie, il ne faut pas qu’il sente, et qu’on retrouve ce miroir qui nous montre notre visage décomposé qu’il faut rhabiller par les artifices du maquillage afin que les autres ne sachent pas.

Et c’est lundi.

Le lundi où il me quitte pour une autre, pour d’autres, je ne sais pas, je ne veux pas le savoir, je veux seulement qu’il soit à moi, entièrement à moi plus d’une nuit, que nous puissions partager le réveil et toutes les petites choses d’une journée passée ensemble à flâner, à se prendre la main, à jouer, comme des gosses, à se dire n’importe quoi, à se dire, tout simplement, sans que nos corps soient la seule chose qui nous lie, sans que nos sexes soient obligés de s’explorer l’un, l’autre, comme si c’était le seul moyen de se comprendre et de s’apprendre, comme si c’était notre seule réalité.

Et c’est cette réalité que je perçois le lundi que je déteste, parce qu’elle est sombre et noire comme mes pensées qui voguent d’un cafard à l’autre, sans joie, sans tristesse, simplement réalité qui m’entraîne dans les tréfonds de moi-même et que je cherche le jour, je le veux, je le souhaite de toute mon âme, mais que je m’enterre dans mes propres errements.

Le lundi, serait beau s’il était un jour comme les autres.

Le lundi serait beau s’il était le jour de mes bonheurs.

 

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Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic