Conte-5023

Catégories Auteurs Récompenses Actualité Statistiques

 

Conte de Hervé Poirine, France

 

Je préfèrerais vivre à l’intérieur, dans ma bulle, dans ma tête et mon imaginaire, dans mes rêves qui ne me font jamais mal, dans la quiétude de mes pensées, sans que quiconque puisse y entrer, sans que personne n’ait la clé, à part moi, et je m’enfermerais dans ce coma idéal, dans cette vie artificielle et si vraie, dans ce jardin secret où les fleurs de ma vie s’épanouiraient, sans craindre les saisons, le printemps prometteur et menteur, l’été chaud, moite et pesant, l’automne qui emporte les espoirs et l’hiver qui glace le cœur.

Je préfèrerais vivre à l’écart de vos vies qui me torturent et me complexent, qui me demandent d’être une autre que moi-même, moi qui ne sais déjà pas qui je suis, moi qui me cherche sans jamais me trouver, perdue dans les méandres de la vie que l’on m’a donnée et dont je ne sais pas quoi faire.

Quel joli jouet, la vie ! Quel beau spectacle, ces enfants qui jouent, qui crient, qui vivent, et qui grandissent en prenant conscience du monde qui les entoure, qui l’appréhendent, chacun à sa manière, et qui, parfois, n’y trouvent pas leur place, cherchent et tournent en rond, ronds dans l’eau, cercles concentriques qui rident la surface de cette eau provisoire qu’est la vie, infiniment difficile, infiniment complexe, et qu’à force de tourner, je reviens toujours à mon point de départ, ma déraison raisonnée, mon monde que je m’invente pour ne plus voir le vôtre, parce que le vôtre me fait si mal qu’il en devient comme un manteau d’épingles que l’on m’aurait enfilé de force, et que je dois porter nuit et jour pour vous plaire et pour faire semblant d’être comme vous, ce que je ne suis pas.

Ecoutez-moi crier ! Ecoutez-moi hurler ma souffrance !

Mais vous ne me regardez pas, parce que vos yeux sont voilés de toutes vos certitudes, et que je vous envie parfois d’être si forts ou, au moins, d’en avoir l’air, quand je me sens si faible.

Mais vous ne m’écoutez pas, car vos voix couvrent la mienne, pauvre petit filet qui s’échappe de ma bouche trop sèche et trop timide pour s’imposer à vos réalités auxquelles je ne peux pas participer, auxquelles je souris sans les comprendre : je ne suis pas dans votre réalité.

Ecoutez la mienne : elle remplie de vide.

Ecoutez ce vide : il a un son, une image, un sexe, le vide est plein de ce que vous ne pouvez pas voir, car vous, vous êtes trop plein de vous pour encore pouvoir vous remplir.

Moi je me remplis de cela, de ces images qui m’appartiennent et que je ne peux vous montrer, tellement complexes et tellement torturées qu’elles vous feraient peur, qu’elles vous broieraient dans vos certitudes, qu’elles vous rendraient vides à votre tour.

Je préfèrerais vivre à l’intérieur.

Je préfèrerais vivre en moi-même.

Mais je le fais déjà et vous ne le voyez pas, vous ne voyez qu’une image de moi, pauvre fille qui vous sourie et qui vous regarde et qui a peur de vous, car vous êtes ma souffrance, sans le savoir, sans le vouloir, sans un regard pour ce qui vous est inconnu.

Je préfèrerais vivre à l’intérieur.

Je préfèrerais vivre.

 

Accueil Editions Partenaires Nous rejoindre

 

Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic