Conte-5025

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Conte de Hervé Poirine, France

 

Avant, Papa, quand je n’étais pas né au monde, il y avait quoi ?

Avant, il y a avait un jardin secret qui se cachait pour ne se montrer qu’aux plus méritants, qu’à ceux qui avaient pu saisir son essence même, ce qu’il était au plus profond de lui-même.

Ce jardin tournait et virevoltait de ses arômes, de sa jeunesse éternelle et de ses fleurs embaumant à la ronde, ce jardin attendait que la personne, l’être digne de lui rentre cueillir sa plus belle fleur, celle qui se trouvait tout au fond, si bien cachée, si bien protégée qu’il fallait de la volonté pour la trouver, qu’il fallait de l’amour pour la conquérir et la porter à ses yeux pour en admirer le dessin, à son nez pour en saisir ses effluves et à sa bouche pour en goûter le suc.

Le jardin attendait et n’était pas pressé, il voulait être sûr que celui qui viendrait ici aurait tout ce qu’il faut pour le conquérir.

Ce fut sous la forme d ‘une abeille que celui-ci arriva.

Une abeille qui butinait, de ça, de là, sans jamais savoir sur quelle fleur s’arrêter, sans savoir où trouver celle qui lui permettrait fabriquer les plus beaux rayons de miel jamais vus.

Elle entra par hasard dans le jardin secret et s’étonna de tant de senteurs différentes, entêtantes, enivrantes, qu’elle ne savait plus où donner de la tête.

Elle partit à sa conquête et en apprécia toutes les essences, toute la rareté et toute la diversité.

Elle n’arrivait néanmoins pas à trouver la fleur qui serait l’ingrédient manquant à son plus beau rayon de miel.

Il lui fallut du temps, de la patience pour enfin trouver la fleur cachée, celle dont le pollen lui permettrait d’achever sa plus belle création, son œuvre.

Et enfin, un jour elle la découvrit : elle la regarda longuement et s’approcha lentement, elle était en présence d’une œuvre en soi et elle sentait qu’après, tout serait différent.

Elle la caressa, se laissa bercer par ses pétales gracieux, s’enivra de ses arômes, et, enfin la goûta.

Et aussi lentement, elle créa un rayon de miel, le jardin le couvant de son regard, et ce rayon empli doucement le jardin, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que cela, jusqu’à ce qu’on ne voie plus que lui.

Pendant neuf mois, patiemment, le rayon de miel grandit, grossit, devient plus fort de jour en jour, de nuit en nuit, se formant, de découpant, se forgeant une existence entière et nouvelle, s’inventant un monde, jusqu’au moment où il fallut qu’il sorte du jardin pour naître à une autre vie.

Il y avait tout cela, avant, et tu es devenu ce rayon de miel…

 

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Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic