Roman-5003 Double Je

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Roman thriller de Jean Yves Mussino, France

 

Titre ; Double Je

Chapitre 1 à 5

 

1

 Depuis combien de temps suis-je ainsi dans le noir?  J’ai un affreux mal de crâne. J’essaye de faire le point et de reprendre mes esprits. Qu’ai je fait aujourd’hui? Sommes nous d’ailleurs encore aujourd’hui, ou sommes-nous déjà demain? A vrai dire, je ne sais plus. Et ce satané mal de crâne qui s’évertue à me faire souffrir, au point de  faire éclater ce qui me reste de mémoire. J’ai froid.  Il est maintenant temps de me ressaisir et de me lever. Serais-je en proie à ces fameux maux de tête de lendemains de fêtes, à ce point réussies que je ne me rappelle même plus où je suis. Je m’étais pourtant jurée de mettre un coup d’arrêt à ces innombrables moments festifs que je partageais avec mes compagnons de beuverie, hommes et femmes, qu’ils soient hétéro ou homosexuels. Je n’arrive même pas à me lever. C’est donc grave au point d’en avoir perdu la force de bouger? Non. Ce n’est pas cela. Je dois me rendre à l’évidence. Je suis attachée. Pieds et point liés.

 

2

 

Mercredi 3 décembre 2003. 6 heures.

 

Paul se lève, car il doit se rendre à son travail, prendre sa place dans cette petite société d‘informatique, avant qu’un jeune loup aux dents longues ne le lui prenne. Il a mal dormi car le rendez-vous que lui a pris sa secrétaire avec ce client mécontent le rend nerveux. Si seulement, il avait pris la peine d’étudier le dossier avant. Mais, il ne l’a pas fait. Il n’en avait pas très envie. Il avait d’autres idées en tête. Il se rend très péniblement vers la salle de bain, où le miroir lui jette à la figure l’image que lui même inflige à ses amis, ses collègues et à toutes les personnes qui ont le malheur ou la malchance de le croiser même pour un simple moment. Paul est petit, voire très petit, à la limite du nanisme diront certains, les mêmes qui pensent que le fait d‘être au delà du mètre quatre vingt vous confère un air supérieur. Cela n’est pas une tare, sauf quand son ex femme, car Paul est divorcé, le dépassait de vingt bons centimètres. Ses oreilles sont décollés, au point de les faire ressembler à deux énormes feuilles de choux que l’on aurait collé sur une toute petite pomme de terre. De la pomme de terre, il a le teint jaune brun. Un teint d’homme malade, d’une maladie qu’on appelle la honte. Ses yeux sont petits et bruns. Son regard est à la fois vide et malsain. Son  front est large. Il va des yeux jusqu’au sommet de son crâne, déformé. En effet, Paul est quasiment chauve. Il a d’ailleurs été chauve très tôt. De mémoire, il a toujours été chauve. Il se demande d’ailleurs s’il n’est pas directement passé du duvet de jeune bébé, à ce statut bien peu enviable d’homme dégarni.

 

Les opérations traditionnelles de toilette visant à lui donner forme humaine étant terminées, Paul s’assoie devant son café noir. Il tente de beurrer un restant de pain, vieux de plusieurs jours. Tout en trempant dans son café ces ersatz de tartines qui sont loin de valoir celles que lui préparait sa maman lorsqu’il était enfant, Paul se met à rêver, à son enfance passé entre un père fataliste et une mère autoritaire, à son adolescence brisée par les brimades et les moqueries de ces camarades de classe qui lui reprochaient sa laideur et sa rigueur, à la rencontre de celle qui deviendrait son épouse, à la fin de ses études et à ce job acquis de haute lutte dans cette société d’informatique.

 

3

 

J’essaie de me débattre pour me soustraire de ces liens qui me rongent la peau des poignets et celle des mollets. J’ai l’impression d’être nue et cette nudité me rappelle à quel point je suis fragile face à cette situation nouvelle que je ne contrôle pas. C’est bien la seule d’ailleurs que je ne maîtrise pas. En effet, on dit de moi que j’ai le profil de la parfaite gagnante, le caractère d’une dominatrice et la chance d’une femme trompée. Je n’ai toujours pas la réponse à la question que je me pose depuis un moment. Depuis combien de temps d’ailleurs? Depuis combien de temps suis-je ici, dans le noir, couchée à même un sol froid et humide, sans la moindre trace de lumière et sans aucun bruit qui pourrait me permettre de me situer. Vais-je mourir? Certainement pas. Pas moi, une battante. J’ai beau me dire que je suis la meilleure, cela ne me donne pas le force de briser les liens qui me séparent de la vie que je même habituellement. Une vie faite de débauche, à mes heures, mais également de travail dans un des cabinets d’avocats les plus côtés de la place. Je m’interroge d’ailleurs sur le côté incongru de la situation. Une des meilleures avocates du barreau qui participe régulièrement à des soirées très spéciales.

 

4

 

Mercredi 3 décembre 2003. 8 heures.

 

Paul débarrasse le reste de son petit déjeuner. Il a à peine manger, pris par ses errements imagés de ce qui a été son passé. Retour à la réalité. Trouver les clés de la voiture qui va le conduire à son travail. Ce travail qu’il a tout d’abord adoré, mais qu’il déteste maintenant. Paul est un looser. Il garde cette place grâce à l’amitié que lui donne Pierre, le Directeur,  avec lequel il a lancé cette petite société spécialisé dans l’élaboration de logiciels d’éveil pour enfants. Paul descend les escaliers menant au sous sol où est garée sa voiture. De voiture, elle n’en garde que le nom. En effet, ce tas de ferraille, il n’y a pas d’autres mots, dénote par rapport au reste du parc automobile du sous sol. Non pas que les autres voitures soient parmi celles que l’on croise dans les beaux quartiers parisiens, mais la voiture de Paul est un monument en soi. Il s’agit d’une vieille 404 Peugeot, automatique de surcroît, ayant appartenu à l’ancien curé du village dans lequel il a grandi. Chaque matin, Paul se pose la même question. Va-t-elle démarrer? Et comme chaque matin, cette bonne vieille bagnole pousse le même cri métallique et lâche la même fumée noirâtre, laissant penser qu’il s’agit très certainement de son dernier jour. Et pourtant jour après jour, la 404 le mène vers le bureau où il passe le plus clair de son existence, à imaginer des logiciels pour des enfants qu’il n’a pas eu.

 

5

 

On va s’inquiéter. Mon absence va être signalée à la police qui doit déjà mener son enquête afin de savoir où je suis. Il ne peut pas en être autrement. Cette police est déjà à pieds d’œuvre, forcée qu’elle est de le faire par mes amis hauts placés, qu’ils appartiennent aux hautes sphères administratives ou politiques, ceux là mêmes qui participent avec moi à ces soirées torrides dans les plus belles demeures de la région. Si ce n’est pas eux, Enzo réagira, forcé qu’il sera de le faire pour retrouver sa belle. Enzo est originaire du nord de l’Italie, de Brescia. Enzo est jeune, bien plus jeune que moi. Enzo à 21 ans. J’en ai 37. Je ne suis pas dupe. Enzo ne m’aime pas. Il aime ma situation, celle dont il profite. Enzo ne peut pas se permettre de perdre sa poule aux œufs d’or. Il bougera. Il avertira la police. Peut-être d’ailleurs a-t-il décidé de se lancer lui même à ma recherche, à la recherche de son gagne pain.

 

 

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