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Texte de Rosay M., Europe

 

Le commencement est toujours le même, il n’y a que la fin qui change…

Le commencement est un cri, un cri qui déchire la nuit et les rêves, un cri qui électrifie l’âme pour la ramener à la vie. Un cri brutal qui oppresse le corps et l’esprit, qui ne lui laisse aucun répit, qui vrille les tympans du paisible dormeur.

Oui, toujours le même début, toujours la même scène qui se déroule éternellement en un cercle de torture infernale.

L’âme ne se réveille jamais vraiment, elle reste tapis dans l’ombre sécurisante d’un monde qui n’existera jamais, choyé dans le satin veineux de la chair gélatineuse.

Seul le regard s’éveille, s’enfui comme un lion que l’on aurait ramener dans son pays natal. Il redécouvre le monde, il redécouvre la vie, il dessine un nouveau tableau, comme si les jours précédents n’avaient jamais existé.

Une porte s’ouvre sur le futur proche et un éclat de chair y apparaît avec fugacité, un peu comme ces fantômes que l’on incarne dans une hallucination réelle. Cet être si fragile à la peau délicate me montrait à la fois mon passé enfantin et mon futur. Le futur qui ferait de moi un jour, un descendant de Dieu, un Démiurge, une artiste qui modèlerait la chair et le sang à son image y déversant son envie d’immortalité.

L’eau coulait à présent sur le carrelage mortuaire. La chair, l’eau et les cris… Cette douce ironie me fit sourire. L’aube se levait à peine, et le jour naissait de la même façon que les humains.

A quel moment du jour peut on se sentir plus vivant que le matin ? Quand la terre humide embaume l’air, quand l’air balaye l’humanité d’un souffle de vie, ou de mort, quand la peau s’éveille en un douloureux frisson et qu’elle est aussitôt caressée par la chaude douceur d’une étoffe anonyme. Les sens sont en éveil, comme si il s’agissait du tout premier jour. Il ne s’agissait peut-être pas du premier jour, mais il pourrait s’agir du dernier.

Heureux l’innocent inconscient qui gaspille son temps comme si il possédait l’éternité. Il ne verra jamais sa fin arriver et au dernier soupir il verra défiler dans l’œil lubrique de la mort les moments qu’il a perdu à tout jamais.

La mort existe dans la vie, mais elle ne se montre qu’à ceux qui ne la craignent pas, ou à ceux qui la craignent plus que tout et voient le sablier du temps s’écouler inexorablement.

Peut-être ce jour serait il une fin ? Il en serait forcément une, la fin d’évènements et le débuts d’autres… Quelle chose étrange que de se dire, le matin, que cette journée pourrait contenir les choses les plus importantes de votre vie, qu’elle pourrait vous faire rencontrer des gens qui resterons toujours à vos cotés, qu’elle pourrait changer radicalement le cours de votre vie ou bien tout simplement l’anéantir.

 

Les images que ces pensées firent naître contrôlèrent mon âme, jusqu’à ce que le froid du monde serre mon cœur et me ramène à la conscience.

Les images que j’avais vu dans ma tête défilaient à présent devant mes yeux à une vitesse folle, chacune étant liée à la précédente et à la suivante par des filaments argentés de lumière.

On pourrait appeler cette danse le mouvement perpétuel du jour. Tous glissent sur ces rubans de couleurs qui semblent s’étirer vers un infini invisible.

L’obscurité succède à la folie du mouvement, en un calme presque cérémoniel.

Tant d’esprits entre mêlés vers un même but, vers une même conscience, comme une ruche qui ne vit que d’un seul bourdonnement.

Des profondeurs obscures surgit un visage.

Mes yeux ne peuvent le quitter.

Je ne l’aime pas, je ne l’aimerais jamais, je le haïrais peut-être…

C’est la l’histoire de toute une vie, l’amour, la haine… Tout le monde sait à quel point la frontière est mince entre les deux, il suffit parfois d’un mot, ou du plus humble des regards, et votre visions des choses bascule irrémédiablement.

Je n’étais pas saisie par la beauté de la chair, mais par celle de l’instant. Une seconde qui réunissait ce que seul l’œil d’un artiste averti peu apprécier et retranscrire sur une toile. Il existait, simplement, sans savoir que quelque part, un regard fasciné voyait en lui une œuvre d’art.

C’est ainsi que tourne ce vaste monde… Il y a ceux qui voient, et ceux qui ne verront jamais. Ceux qui voient souffrent de la vérité qui s’offre à eux, et ceux qui ne voient pas passent à coté des plus grands bonheurs. C’est ce qu’on appelle l’ironie du sort en quelque sorte.

 

J’attendais quelque chose qui ne viendrais jamais, mais c’est justement ce que j’aimais. L’être humain est parfois masochiste… Je saisissais chaque mouvement, en en décryptant le sens, les pensées auxquels ils pouvaient être liés, les images que voyaient les yeux internes de mon Sujet. Je me projetais dans sa tête, accrochant sur les parois fébrile de mon crâne les tableaux, de cet instant si précieux, que j’avais peint mentalement. Il avait été, dans l’ignorance, la source d’inspiration que j’avais toujours recherché.  

Et là où ne régnait que grisaille silencieuse désincarnée, s’éveilla une explosion trop riche pour qu’un esprit équilibré puisse en contenir toute la puissance. C’était une orgie de couleurs, de sons et de saveurs, telles que mes sens n’en avaient jamais connu.

Je ne l’aimais pas, je ne l’aimerais jamais… Mais cet être venait de m’apporter la lumière qui me manquait. Cette même lumière qui d’un coup, sans prévenir, vous submerge, vous tente, fait naître en vous l’envie  de prouver votre existence en insufflant la vie à ce qui semblait informe et chaotique. La matière devient l’extension de votre propre être, la création votre obsession, à tel point que le contact du model vous hante, vous torture.

Que reste-t-il à l’artiste si il ne peut créer ? Si il ne peut s’exprimer à travers ses œuvres ?

… Le néant. Juste le néant. Celui qui vient vous dévorer, qui vient vous faire douter alors que les jours semblaient contenir un équilibre rare.

Comment peut-on savoir que la lumière vous manque, si jamais elle ne vous effleure ni ne vous transperce ?

C’est là l’Instant, l’illumination que des milliers de cœurs attendent en vain, que des milliers de quidam cherchent avidement sans jamais la trouver.

L’Instant existe, mais il n’est que fugacité, il n’est qu’un papillon qui se pose un instant sur le doigt de votre muse pour ensuite s’envoler et n’y laisser qu’un léger goût amère.

Que restera-t-il en mon être lorsque cet instant aura prit son envol, arrachant à ma chair ce qu’elle demandait, laissant l’envie sur un point mort alors qu’elle attendait d’autres merveilles ?

Il n’en restera sur la feuille vierge de ma créativité qu’une traînée de couleurs satinées et vives. Une ombre de l’intensité de ce qui fut.


 

 

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Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic